Tu souffles et une volute opaque t'échappe. C'est qu'il fait froid bon sang ! Tu enfonces un peu plus le menton dans ton écharpe, tes mains au fond de tes poches, et tu avances avec le reste de la bande. Tu ne sais pas trop jusqu'où ils comptent aller ainsi. Chuck voulait aller se réchauffer dans un café, tandis que Jake essaye de vous traîner tu ne sais où pour aller stalker la fille sur laquelle il bave en ce moment. Tu trouves ça ridicule pour ta part, et tu sais que tu n'es pas le seul à penser ainsi. Si tu étais cette fille, tu trouverais ça flippant, vraiment. Enfin.. Jake ne ferait pas de mal à une mouche. Il est même plutôt naïf comme gars, mais il n'en est pas moins votre ami, et vous aimez bien rire de ses histoires amoureuses totalement foireuses. Parlant d'amour, tu n'es pas bien situé pour ouvrir la bouche sur ce sujet... Pas que tu sois un désastre, mais les relations à long terme, tu les fais fuir en général. Ce n'est pas que tu ne veux pas... Tu n'es juste pas tombé sur la bonne personne, voilà le mensonge que tout le monde répète, histoire de ne pas désespérer. Toi, parfois, tu te poses vraiment la question. Tu te dis que tu finiras peut-être seul. Ce ne serait pas étonnant, vu ce que tu es... Tu soupires un peu, évitant d'y penser. La lycanthropie fait fuir bien des humains, et si tu évites de mentionner ce fait au premier rendez-vous, ils finissent tôt ou tard par le savoir. Pourquoi ne pas jeter ton dévolu sur une louve, tout simplement ? Aucune ne t'a tapé dans l'oeil. Peut-être que tu as juste de trop grosses attentes aussi... Tu n'en sais rien, et de toute façon, ce n'est pas le sujet.

Bref. Chuck insiste avec son histoire de café, mais Derek l'arrête et finit par parler pour donner son avis. Lui, peu l'importe, tant que vous passez par la boutique de musique. Tu soulignes que c'est une bonne idée, que toi aussi tu aimerais bien y passer. Les autres finissent par rejoindre votre avis, et tu taquines un peu Jake, le moins ravi d'entre vous, en lui balançant qu'il trouvera peut-être l'amour de sa vie dans la boutique. Il ne perd pas le nord, ni une minute pour te rétorquer quelque chose. Tu aurais mieux fait de te taire en fait. « Oh mais bien sûr, et toi grand nigaud, il est où l'amour de ta vie hein ? » Tu as un petit sourire en coin et tu te contentes de secouer la tête. Et c'est reparti. Tu voulais tout, sauf attirer le sujet sur toi. Les autres sont curieux de la réponse, même s'ils la connaissent déjà ; tu n'as personne dans ta vie en ce moment, et avec le boulot que tu te traînes en ce moment, ce n'est pas près de changer. Ces deux semaines, tu as pas mal de gardes de nuit, tu sais que tu vas être rincé et que tu auras tout sauf envie de sortir avec eux en soirée pour tes quelques temps de repos. « Arrête Jake, on ne joue pas dans la même cour, tu le sais bien. » Réponds-tu, taquin. Tu ne devrais pas te lancer sur cette voie pourtant, tu le sais... Parce que c'est une mini-guerre que tu déclares, et ça va bien les faire rire. « Oh, c'est plutôt présomptueux de ta part. Avoue juste que tu es en situation d'échec total. » Qu'il renchérit. Tu sens la suite venir, sans trop savoir pourquoi. Tu sais que ça va encore virer au pari débile. « N'importe quoi. J'ai pas besoin de dix rencontres pour me trouver un coup. » Non, tu n'es pas spécialement un Don Juan mais... Tu sais être suffisamment charmeur pour ne pas prendre trop de râteaux.

Tu le sens venir sans mal, parce que c'est toujours comme ça que ça fonctionne avec eux ; il va te défier, et pour sauver ta fierté, tu vas accepter, rien que pour lui prouver que tu as raison. C'est toujours comme ça. Vous vous arrêtez devant la boutique de musique, et avant de rentrer, Jake se met devant la porte. « Ok. Tu sais quoi, on va faire un pari. » Et voilà. Tu lèves un instant les yeux au ciel. Mais tu l'écoutes, curieux. « On va rentrer dans la boutique. Moi et les gars, on choisit quelqu'un. Pour gagner le pari, tu dois avoir son numéro, l'inviter à boire un verre et – » Sam lui coupe la parole. Ça t'étonnait aussi, que ce soit aussi simple. « Non, trop simple. On la veut dans ton lit, cette personne, et certainement pas pour faire une bataille de polochons, si tu vois ce que je veux dire. » Tu soupires de désespoir, même si tu ris avec eux. Quelle belle brochette de crétins... Tu hoches la tête. « Ok. Pari tenu. Mais si je gagne Jake, tu vas faire trois fois le tour de Spes en courant. En boxer. » Il n'a pas peur, puisqu'il te tend la main. Tu la serres, sans te rendre compte que ce pari idiot va changer le cours de ton existence. Ils entrent tous dans le magasin, comme des gamins impatients, et partent à la recherche de ta proie. C'est ridicule, tout cela... Trouver un coup d'une nuit, franchement... Tu ne vois pas ce que ça prouve. Mais bref. Pendant qu'ils complotent, tu vas t'intéresser à quelques vieux vinyles dans un coin de la boutique. Sam revient vers toi, t'indique quelqu'un du bout du menton. Tu lèves les yeux en la direction qu'il te désigne, et ton regard se pose sur un jeune homme. Ou plutôt deux, puisque si tu comprends bien, il s'agit d'un vendeur et d'un client. Tu interroges rapidement Sam sur lequel des deux, et il précise que c'est le vendeur qu'ils ont choisi. Génial... Tu hoches la tête et il s'éloigne, allant certainement observer la scène de loin avec les autres fourbes.

Ton regard ne quitte pas le brun pendant un moment. Il est... Charmant. Tu aimes ses traits. Ils ont quelque chose de doux, de calme... Tu souris un peu, inconsciemment. Et une inquiétude clignote alors dans son esprit, le genre de choses que tu ignores d'habitude : et si tu n'étais pas à la hauteur, tout simplement ? Ce garçon est mignon. Son cœur appartient sûrement à quelqu'un déjà. Tu te mordilles la lèvre et tu reposes le vinyle que tu regardais, t'approchant plutôt du vendeur. Tu attends tranquillement qu'il en ait fini avec le précédent client, tu en profites pour le regarder un peu à la dérobée. Il a une canne... Tu fronces légèrement les sourcils, te demandant ce que quelqu'un de son âge fait avec ça. Mais tu regardes ailleurs. Ça ne te regarde pas. Peut-être qu'il a un problème à une jambe, ou tu ne sais quoi. Ce ne sont pas tes affaires. Bref, l'autre client file, et tu t'approches du brun, abordant un doux sourire innocent. « Bonjour, excusez-moi, je, j'avais une petite question... » Tu passes nerveusement une main dans tes cheveux. Tu sais que ça les fait craquer d'habitude. Mais tu te reprends ; hors de question d'en faire de trop. Tu connais la bonne mesure, la bonne quantité, et tu restes fidèle à toi-même. « Enfin, je pense que vous pourriez me conseiller en réalité, je recherche des cordes pour ma guitare et je suis un peu perdu entre les différentes marques, vu que mes anciennes ne sont plus en vente dans les commerces... » Et ça, c'est vrai, tu as vraiment besoin de changer tes cordes. La marque que tu prenais avant a disparu des points de vente, et tu dois te rabattre sur autre chose, mais quoi ? C'est son job de te conseiller, normalement.

Il te guide jusqu'au rayon en question. Tu le suis du regard, tu lui emboîtes le pas. Il a l'air d'avoir quelques difficultés pour marcher, comme s'il boitait un peu. Ce qui explique la canne, logique. Ça te peine un peu soudainement, de lui avoir demandé de te conseiller. Tu le fais bouger, s'agiter pour toi... Mais tu ne peux pas prendre tout le monde en pitié Lyokha. Tu ne connais pas ce garçon. Peut-être qu'il le vit très bien, son problème à la jambe. Ça ne te regarde pas, et il y a un pari sur le feu, tu t'en souviens ? Oui, alors tu te ressaisis. Mais pas totalement pourtant. Ton regard est légèrement inquiet quand vous arrivez devant les cordes. Il n'a pas l'air d'aller si bien... Tu le trouves un peu pâle, un peu essoufflé aussi. Tu te mordilles la lèvre, le regardant. « Vous allez bien ? » Question totalement anodine, tu espères qu'il ne va pas mal le prendre. Mais... Pas si anodine que ça au final. Non, en effet, puisque quelques maigres instants plus tard, il te tombe dans les bras. Tu as le réflexes de le rattraper, de le retenir contre toi. Quelques personnes se tournent vers vous, et tu attrapes le jeune homme dans tes bras. Une chaise, il vous faut une chaise. Tu interpelles un autre vendeur, lui demandant d'apporter une chaise, ce qu'il fait rapidement, un peu inquiet pour son collègue. Tu assois ce dernier sur la chaise, et il ne tarde pas à reprendre conscience. Hé bien... C'était inattendu. Tu as un doux petit sourire, même si ton inquiétude ne t'a pas quitté. « Hé bien, je pense qu'il vous faut un peu de repos... Vous voulez du sucre, quelque chose ? » Et voilà. Ton côté altruiste reprend encore et toujours le dessus. Tu n'es pas infirmier pour rien. Tu te contentes donc d'attendre, accroupi devant lui en attendant qu'il reprenne ses esprits, de manière à parer à toute éventualité.